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Transcription de l'émission « Pièce à conviction » d'Élise LUCET sur France 3 le 26 septembre 2005
(sans les reportages projetés durant l'interview) par Assiste.com, la seule version existant étant illisible (mal encodée).
Élise LUCET – préambule : Pour savoir comment la France réagit à cette nouvelle menace terroriste, nous recevrons dans quelques minutes sur ce plateau Nicolas SARKOZY. Le ministre de l'Intérieur nous dévoilera en avant-première la teneur de son projet de loi antiterroriste. Si nous avons décidé de faire cette émission, c'est pour aller au-delà des images-chocs, au-delà de la peur que suscitent ces attentats, c'est pour tenter de comprendre la nature de la nouvelle menace terroriste. Et d'abord, retour à Londres au lendemain du 7 juillet. Le choc a été d'autant plus brutal que les terroristes étaient des citoyens britanniques parfaitement intégrés, des jeunes qui sont devenus kamikazes dans leur pays au nom du djihad. Face à ce nouveau danger, l'Angleterre a radicalement changé les règles du jeu. Les prédicateurs, traditionnellement accueillis, ont été priés de quitter le pays.
[reportage : De Londres à Beyrouth]
Pour réagir à cette enquête, nous recevons sur le plateau de « Pièces à conviction » :
Merci à vous deux d'être avec nous sur ce plateau.
[intervention de Leandra]
QUESTION : Nicolas SARKOZY, qu'est-ce que vous inspire le témoignage de Leandra ?
Nicolas SARKOZY : Il est bouleversant. Cela montre bien qu'il n'y a aucune justification, que ce sont des assassins. Quel est le rapport entre les problèmes dont parlent ces terroristes et la vie de cette jeune femme ? C'est vraiment le crime dans ce qu'il a de plus brutal, de plus stupide, de plus violent.
QUESTION : Aveugle.
Nicolas SARKOZY : Il n'y a aucune justification. Vous savez, quand on commence par vouloir expliquer l'inexplicable, c'est que l'on s'apprête à excuser l'inexcusable. C'est une bande d'assassins et l'on doit les traiter comme tel.
QUESTION : Vous réagissez aussi en tant qu'homme. En tant que ministre de l'Intérieur, le 7 juillet lorsque vous avez appris que des attentats s'étaient produits à Londres, comment est-ce que vous avez réagi ? Est-ce que vous vous êtes dit : « De toute façon, Londres était une cible désignée. » ?
Nicolas SARKOZY : Les cibles désignées sont les démocraties. Il ne faut pas se tromper. Bien sûr.
QUESTION : Y compris la France.
Nicolas SARKOZY : Bien sûr. New York, Madrid, Londres, forcément on pense à Paris, à Berlin et à Rome. Quand cela s'est produit, il y a donc d'abord eu une pensée pour toutes les victimes et pour nos amis britanniques. J'étais en contact direct avec CLARKE, le ministre de l'Intérieur anglais, et nous avons envoyé immédiatement une équipe de policiers pour savoir en direct ce qui se passait, parce que c'est très important, le retour sur expérience. Nous voulons savoir ce qui s'est passé parce que nous, nous faisons comme si cela s'était passé chez nous ou comme si cela pouvait se passer chez nous. On n'a pas le droit, vis-à-vis de la sécurité des Français, de ne pas tenir compte des conséquences de ce qui s'est passé à 30 kilomètres de la France.
QUESTION : Justement, les services secrets britanniques sont parmi les meilleurs au monde, ils sont réputés pour cela. A priori, ils n'ont rien vu venir. Cela veut dire que ce terrorisme de l'intérieur, c'est quelque chose d'imparable ?
Nicolas SARKOZY : D'abord, il ne faut pas donner de leçons aux autres parce que l'on ne sait jamais, nous, ce qui peut se passer. Demain matin, il peut se passer quelque chose, il faut donc être extrêmement prudent et très humble face à cela. Il faut bien comprendre que ce sont de toutes petites équipes parfaitement intégrées et que la difficulté est qu'il faut intervenir avant, il faut qu'on les trouve avant. Qu'on soit en Espagne, en Angleterre, aux États-Unis ou en France, le problème est lié. Cela veut dire qu'il faut qu'on intervienne sur des individus avant même qu'ils n'aient commis l'irréparable. Mais
si on intervient trop tôt, on n'a pas les preuves judiciaires de ce qu'ils préparent, puis
si on intervient trop tard, on a des victimes.
Le moment de l'intervention est donc quelque chose de très difficile.
QUESTION : Une réaction aux propos d'Omar BAKRI que l'on entendait dans le reportage, qui disait en gros : « Tous les pays occidentaux sont des dictatures ».
Nicolas SARKOZY : Celui-là, s'il était en France, cela ferait longtemps que j'aurais demandé à ce qu'on le mette dehors.
QUESTION : Ce terrorisme de l'intérieur ?
Nicolas SARKOZY : Vous savez, je n'ai pas l'intention de dialoguer avec ce monsieur. Je comprends très bien d'ailleurs le reportage que vous faites. Il est très intéressant et c'est un témoignage, mais il ne faut pas leur donner d'importance, il ne faut pas leur donner la parole, il ne faut pas longuement disserter sur ce qu'ils disent. Ce qu'il dit est incohérent, ce qu'il dit est choquant et je vous le dis comme je le pense, qu'octobre 2003 c'est 34 prédicateurs que nous avons mis dehors. Nous avons encore une dizaine de gens que l'on va mettre dehors. Il faut bien savoir !
QUESTION : Prochainement, dans les jours qui viennent ?
Nicolas SARKOZY : Prochainement, enfin dans les semaines qui viennent. Toute personne qui tiendra des propos contraires aux valeurs de la République, on le mettra dehors, et on le mettra dehors pour une raison simple : c'est que ses propos violents, irresponsables, peuvent être écoutés dans un certain nombre de quartiers par des gens extrêmement jeunes, extrêmement influençables. Ils sont responsables, ces gens-là, de ce qui se passe. Il faut savoir que dans les filières irakiennes, dans la fameuse filière du 19e arrondissement qui a été démantelée...
QUESTION : Dont on va parler dans l'émission d'ailleurs.
Nicolas SARKOZY : Il y en a un qui avait 14 ans, qui a 14 ans, et qui jouait un rôle non négligeable - non négligeable. Ce sont donc des terroristes extrêmement jeunes et le genre d'individus qui a pris la parole peut jouer un rôle véritablement de déclencheur.
QUESTION : Lorsque vous dites non négligeable, cela veut dire que cet adolescent de 14 ans, par exemple, était prêt à s'investir dans des actions violentes ?
Nicolas SARKOZY : Il s'investissait et il est même au cœur d'un réseau qui a fait passer de jeunes Français vers le djihad.
QUESTION : Il était prêt à partir pour Damas ?
Nicolas SARKOZY : Il y est parti.
QUESTION : Justement, on revient sur ce point très important qu'on a entendu dans le reportage, ce que l'on appelle « le terrorisme de l'intérieur ». On entendait les Britanniques qui disaient : « Ce qui nous a énormément surpris, c'est que les quatre kamikazes étaient des Anglais, des gens nés sur le sol britannique ». Est-ce que ce n'est pas cela, véritablement, le nouveau visage de la menace terroriste dans les pays occidentaux ?
Nicolas SARKOZY : Il y a plusieurs nouveaux visages. D'abord, c'est la première fois que l'on a eu des kamikazes, ce n'est pas rien, et je vais vous dire que c'est d'autant plus choquant que ces kamikazes ne servaient à rien. Enfin, pardon ! Je m'explique : il peut y avoir un kamikaze pour atteindre une cible ; si le terroriste ne se sacrifie pas, il n'atteint pas la cible. Je ne dis pas que c'est une justification, mais, enfin, c'est une explication. Là, les kamikazes !
QUESTION : Oui, vous voulez dire que comme à Madrid, ils auraient pu laisser leurs sacs à dos.
Nicolas SARKOZY : Cela ne servait absolument à rien : ils pouvaient laisser leurs sacs à dos. C'est vraiment un acte gratuit, s'ils sont bien, de leur plein gré, devenus des kamikazes. On n’a connu qu'un seul cas de kamikazes, c'est après Madrid. Quand les Espagnols ont arrêté les auteurs, ils se sont fait sauter plutôt que d'être arrêtés, mais là c'est le premier cas. C'est-à-dire que l'on a franchi un échelon encore dans la terreur et dans la folie. Deuxièmement, nos démocraties, parce qu'elles respectent la liberté, ont laissé engendrer en leur sein un certain nombre de personnes qui sont endoctrinées très jeune et qui passent à l'acte avec une rapidité stupéfiante. Parfois, il y a quelques semaines ou quelques mois. Le travail que nous sommes en train d'engager, c'est un travail préventif qui doit nous permettre, par de multiples sources de renseignements, de comprendre pourquoi un individu passe de la pratique de sa religion à l'extrémisme et au terrorisme. Tous les détails sont donc pour nous extrêmement précieux parce que notre obsession c'est d'intervenir à temps.
QUESTION : Justement, en ce qui concerne la menace sur Paris, à Londres on a entendu le ministre de l'Intérieur, je crois, dire il y a quelques mois : « Le problème n'est pas de savoir s'il y aura un attentat à Londres, mais plutôt de savoir quand. » Est-ce que vous dites exactement la même phrase concernant Paris ?
Nicolas SARKOZY : La menace existe et elle est à un niveau très élevé.
QUESTION : Leandra, merci infiniment d'avoir témoigné dans ce numéro de « Pièces à conviction ». Monsieur le Ministre, vous restez avec nous. Plusieurs services luttent en France contre le terrorisme. Pour la première fois, l'un d'entre eux - le service opérationnel des renseignements généraux - nous a ouvert ses portes. Pendant quelques jours, nous avons partagé le quotidien de ces hommes qui luttent secrètement contre l'intégrisme islamiste. Leur mission : recueillir des renseignements, des informations, pour déjouer tout projet d'attentat. Vous ne verrez pas leur visage. Leurs lieux d'intervention restent secrets, c'est leur efficacité qui en dépend.
[reportage : Renseignements généraux, voir sans être vu]
QUESTION :
Nicolas SARKOZY, vous avez regardé ce reportage avec nous. On l'a vu, ces hommes sont à l'avant-garde du renseignement. Est-ce que ce n'est pas cela, la première bataille à gagner, celle du renseignement ?
Nicolas SARKOZY : Les femmes et les hommes des renseignements généraux font un remarquable travail. Je veux associer également les femmes et les hommes de la DST qui sont les deux grands services de renseignements intérieurs. La façon la plus efficace de lutter contre le terrorisme, c'est de les attraper avant qu'ils n'aient provoqué l'irréparable ; pour cela, c'est le renseignement. Le renseignement, c'est notre tâche première. C'est ce qu'il y a de plus efficace et nous avons décidé de considérablement augmenter les moyens de renseignement français.
QUESTION : C'est-à-dire ?
Nicolas SARKOZY : Nous devons être informés de ce qui se passe.
QUESTION : Concrètement, quand vous dites : « Augmenter les capacités du renseignement », cela veut dire beaucoup plus de personnes sur le terrain.
Nicolas SARKOZY : Cela veut dire augmenter les personnels, augmenter la technique, trouver des sources, être à l'écoute de tout et si possible savoir tout.
QUESTION : Justement, on dit que les services secrets français sont souvent les meilleurs du monde dans la lutte antiterroriste, notamment parce qu'on a vécu des attentats avant tout le monde. Est-ce que c'est vrai ? Est-ce que vous avez le sentiment que les services sont affûtés ?
Nicolas SARKOZY : Dire que c'est le meilleur du monde serait tout à fait prétentieux. Ce sont des services excellents qui ont évité à plusieurs reprises des drames en France. Je pense à la filière tchétchène où ils voulaient faire un attentat à Paris - c'était une affaire de décembre 2003 - et je pense aux dernières arrestations à Montpellier. Il y a eu des arrestations préventives qui ont permis d'éviter des drames. On le doit à l'action des policiers des services de renseignements français.
QUESTION : Il y a beaucoup de services qui travaillent dans la lutte antiterroriste. On dit que c'est une « habitude française », que chacun travaille un petit peu dans son coin. Est-ce que vous avez envie de réformer cela et que tout le monde travaille de manière regroupée ?
Nicolas SARKOZY : Non. Non, non, non. Personne ne travaille dans son coin. Il y a une coordination de la lutte contre le terrorisme. En temps réel, on mutualise les renseignements, mais ce n'est pas que l'affaire des terroristes. On peut se retrouver avec un renseignement très utile, récupéré dans une brigade territoriale de gendarmerie au fin fond de nos territoires et la grande difficulté est que ce renseignement, qui ne peut pas être compris par le gendarme ou le policier qui le reçoit, remonte malgré tout aux services spécialisés. C'est la grande difficulté du travail de renseignement.
QUESTION : Est-ce qu'il faut qu'il y ait, justement, une centralisation ?
Nicolas SARKOZY : Il y a une centralisation. Les services travaillent ensemble, mais, mieux que cela, il n'y a pas un jour qui se passe sans que nous ayons des contacts avec les services secrets du monde entier, parce que toutes les arrestations - et je dis toutes les arrestations - qui ont eu lieu en France, à la base il y a eu un renseignement et bien souvent ce renseignement venait d'un service étranger.
QUESTION : Monsieur le Ministre, vous restez avec nous. Justement, peut-être faut-il s'arrêter sur la lutte contre le terrorisme en France. Depuis 1986, c'est un véritable arsenal judiciaire et policier qui a été mis en place et on a parfois du mal à y voir clair. Avant de découvrir avec vous quel est votre projet de loi que vous allez présenter au Parlement, voyons ce qui existe déjà en matière de législation antiterroriste.
[reportage : L'arsenal antiterroriste français]
QUESTION : Alors, Monsieur le Ministre, qu'est-ce qui ne va pas ou qui ne va pas assez loin ? Qu'est-ce que vous voulez réformer dans le projet de loi que vous avez présenté ?
Nicolas SARKOZY : Il y a eu le drame de Londres du 7 juillet. Il aurait pu y avoir un autre drame le 20 juillet et les autorités françaises doivent tirer les conséquences de ce qui a marché à Londres et de ce qui n'a pas marché. Ce qui a marché, c'est deux choses qui ont été tout à fait exceptionnelles. C'est d'abord la capacité des services secrets anglais à exploiter les bandes vidéo. On disait dans le reportage 80 000 - je pense que c'est plutôt 60 000 bandes qu'ils ont vues, mais enfin, peu importe. Cela leur a permis de trouver très rapidement les coupables et de les arrêter - je pense au 20 juillet - et de les connaître - je pense au 7 juillet - et ne pas les arrêter puisqu'ils sont morts, puisque ce sont des kamikazes. Nous avons donc considéré que nous n'étions pas au niveau en matière de vidéosurveillance et qu'il fallait sans doute développer notre arsenal de ce point de vue. Cela veut dire quoi ? Mettre davantage de vidéosurveillance dans les lieux publics - je pense aux gares, aux aéroports, là où il y a des lieux de transport - et pas simplement à Paris, mais aussi en province. Deuxièmement, garder les images parce qu'il y a bien des réseaux où il y a de la vidéosurveillance, mais où on ne garde pas les images.
QUESTION : Il faut stocker les images et les analyser.
Nicolas SARKOZY : Troisièmement, il faut changer la législation. Par exemple, les grands magasins doivent pouvoir mettre sur le trottoir qui borde leur magasin de la vidéosurveillance. Par exemple un lieu de culte, une synagogue, doit pouvoir mettre sur le trottoir de la vidéosurveillance. Il y a donc toute une partie du projet de loi qui va permettre d'augmenter la vidéosurveillance, pas pour surveiller la vie privée des Français, cela ne nous intéresse pas, mais pour être beaucoup plus efficace et pour prévenir, car les terroristes le craignent et puis en même temps, pour être capable de retrouver les coupables si nous avons un drame. Cela est le premier objectif du projet de loi.
QUESTION : Cette vidéosurveillance, si malheureusement comme lors des premiers attentats à Londres, ce sont des attentats kamikazes, a priori cela ne change rien.
Nicolas SARKOZY : Cela change quand même parce qu'ils ont pu retrouver le nom et la personnalité de ceux qui étaient les kamikazes, comprendre leur processus, reconstituer leur itinéraire et par ailleurs, vous le savez, ils ont récupéré une voiture, il y avait des bombes dedans et pour eux, cela sert parce qu'ils se demandent s'il n'y a pas d'autres équipes en Angleterre.
QUESTION : Vous parliez des libertés individuelles. Les Français qui nous regardent, j'imagine, souhaitent aussi être rassurés là-dessus. Ils souhaitent qu'on lutte contre le terrorisme et que leurs libertés individuelles soient préservées. Qu'est-ce que vous leur dites ?
Nicolas SARKOZY : Écoutez, la première des libertés c'est de pouvoir prendre le métro et le bus sans craindre pour sa vie, pour soi ou pour les membres de sa famille. Cela me paraît quand même plus important que tout le reste. Pour le reste, qui est-ce qui peut s'imaginer que cela nous intéresse le moins du monde de savoir qui sera avec qui ou à quelle heure vous êtes passé dans le métro ou dans le bus ? Mais moi j'ai considéré en conscience, le Premier ministre et le président de la République également, qu'on ne pouvait pas rester en l'état de législation actuelle sur la vidéosurveillance alors que nos amis anglais ont démontré l'utilité de la vidéosurveillance. C'est le but du projet de loi.
QUESTION : Vous disiez donc l'utilité de la vidéosurveillance en Grande-Bretagne. Quel est le deuxième point sur lequel manifestement les Anglais ont été plus efficaces que nous ?
Nicolas SARKOZY : Deuxième point, mais on aura l'occasion d'en reparler, ils ont maîtrisé la communication de façon assez exceptionnelle. Les Anglais ont été très calmes alors que les terroristes voulaient créer un climat de terreur. Nous sommes en train d'étudier le processus de communication des services de police anglais en période de crise et je crois qu'il y a beaucoup à retenir. Il y a beaucoup à retenir d'abord sur la capacité des Anglais à garder les informations et à la distiller au bon moment. Tant que les coupables n'ont pas été arrêtés, les informations n'ont pas du tout filtré. Il y a une troisième chose qu'on veut faire, c'est que les terroristes se servent d'Internet d'une façon extraordinaire.
QUESTION : Oui, on va en parler.
Nicolas SARKOZY : On va donc s'occuper notamment des cybercafés, parce qu'on s'aperçoit qu'un certain nombre de terroristes passent par les cybercafés parce que l'anonymat y est garanti. Nous voulons obliger les cybercafés à conserver un certain nombre de données pour nous, pour pouvoir aller les saisir.
QUESTION : Données informatiques.
Nicolas SARKOZY : De données informatiques, et savoir ce qui s'y passe. Quatrième élément qui est capital, c'est la téléphonie. Il ne s'agit pas pour nous de savoir ce que se disent les gens au téléphone, parce que cela fait bien longtemps que les délinquants et les terroristes ne se parlent plus au téléphone. Mais c'est très important pour nous de savoir qui a appelé qui, quel jour et à où, car cela permet de reconstituer de véritables réseaux et de confondre des coupables. C'est un élément capital aussi.
Note d'assiste : cercles de connaissances.
QUESTION : Cela veut dire que vous demandez par exemple aux opérateurs téléphoniques de préserver ces données longtemps, de les garder ?
Nicolas SARKOZY : Exactement. De garder ces données et nous voudrions les garder au moins une année parce que la téléphonie permet de confondre des coupables et c'est pour nous un élément extrêmement important pour savoir ce qui se passe. Enfin dernier point qui est absolument capital : moi je considère qu'il n'est pas normal qu'un individu qui habite dans nos quartiers parte tout d'un coup quatre mois en Afghanistan, trois mois en Syrie ou cinq mois dans un autre pays.
QUESTION : Cela veut dire que vous allez surveiller les voyages vers ces pays à risques ?
Nicolas SARKOZY : Cela veut dire que nous voulons savoir qui part où, pour combien de temps et quand il revient. Parce que quand quelqu'un habite un quartier, que tout d'un coup il disparaît en Afghanistan et qu'il revient quatre mois après, on est en droit de lui demander qu'est-ce qu'il a fait, pourquoi il y a été et comment cela se passe.
QUESTION : Concrètement, Nicolas SARKOZY ?
Nicolas SARKOZY : Concrètement, c'est un travail sur des fichiers.
QUESTION : Si moi je pars demain en vacances en Jordanie ou au Pakistan, qu'est-ce qui va arriver ? Qu'est-ce qui va arriver aux Français qui nous écoutent ce soir ?
Nicolas SARKOZY : Honnêtement, Élise LUCET, on perdra assez peu de temps sur vous parce que vous n'êtes pas absolument le cas typique de l'apprentie terroriste. Vous avez un métier, on vous connaît, mais je prends l'exemple de quelqu'un qui n'a pas de travail…
QUESTION : Vous savez, les kamikazes à Londres avaient un métier.
Nicolas SARKOZY : Oui, mais bien sûr. Justement, on se serait renseigné pour savoir combien de temps ils étaient restés au Pakistan, cela aurait permis d'éviter des drames.
QUESTION : Ce que je veux dire, c'est que ce n'est pas facile de déterminer qui il faut surveiller.
Nicolas SARKOZY : Mais c'est très facile parce qu'en ce moment même, on se demande pourquoi un certain nombre de jeunes Français sont au Pakistan dans des écoles religieuses. En ce moment même, nous savons qu'il y a une dizaine de jeunes Français qui sont en Irak, prêts à faire les kamikazes. Dans la filière de Montpellier, il y a l'épouse d'un kamikaze.
QUESTION : Quand vous dites qu'il y a des dizaines de Français qui sont prêts à faire les kamikazes…
Nicolas SARKOZY : Il y a une dizaine de Français, oui. Il y en a six qui sont déjà morts en kamikazes en Irak.
QUESTION : Oui, on va parler de cela dans l'émission, mais est-ce que vous avez, vous, le sentiment qu'au travers de toutes ces dispositions que vous nous détaillez ce soir - on vous en remercie d'ailleurs - en avant-première, il peut y avoir le risque de stigmatisation d'une communauté, la communauté musulmane ? Je pense notamment à ce qui s'était passé à New York après les attentats de septembre 2001.
Nicolas SARKOZY : Absolument pas. D'abord, moi j'estime que c'est mon devoir de ministre de l'Intérieur de tirer les conséquences de ce qui s'est passé à Madrid, à New York et à Londres parce que si demain il se passe un drame en France, quelle est la première personne que l'on interrogera pour savoir qu'est-ce que vous avez fait ? « Mais monsieur SARKOZY, il y a eu le drame de Londres. Qu'est-ce que vous en avez tiré comme conclusion ? » - « Mais aucune, je n'ai rien regardé, je n'ai rien fait ». Et je le dis comme je le pense : ce n'est pas normal quand on habite une banlieue, qu'on n'a pas de travail, qu'on n'a pas de revenus, de pouvoir partir quatre mois dans un pays, entre guillemets, « à risques » et de revenir au bout de quatre mois. Il est tout à fait normal que les services terroristes sachent ce qui se passe. Notre devoir, c'est de protéger les Français et de les protéger avant qu'il y ait un drame. Toute la difficulté, et je vais terminer par cela, c'est que parfois cela nous amène à intervenir et à faire des arrestations avant qu'il y ait eu le drame. C'est toute la difficulté parce que l'action préventive, si on le fait trop tôt, on n'a pas les preuves.
QUESTION : C'est cela. Cela peut éviter un attentat, mais en même temps, il n'y a pas de traduction judiciaire.
Nicolas SARKOZY : Deuxième élément, il faut garantir le système de liberté français. Toute la gestion des fichiers, on le fera donc sous le contrôle de la CNIL ; le projet de loi que j'ai rédigé, je l'ai fait en tenant compte des orientations du Conseil constitutionnel qui prévoit dans sa jurisprudence ce qu'on appelle la proportionnalité. En vérité, on ne doit prendre aucune mesure de protection des Français qui ne soit pas proportionnelle aux risques. J'estime que sur la téléphonie, sur la vidéosurveillance, sur les déplacements dans un certain nombre de pays à risques, sur les cybercafés, sur le gel des avoirs des terroristes - quand quelqu'un est convaincu - même le débat sur la durée de la garde à vue.
QUESTION : Oui.
Nicolas SARKOZY : Quand vous pensez que la garde à vue en Grande-Bretagne est de quinze jours !
QUESTION : Antiterroriste en France, elle est de quatre jours.
Nicolas SARKOZY : Et il y a un débat pour savoir s'il faut la porter à trois mois. Moi, je ne dis pas qu'il faut bouger la date, mais on est en train de réfléchir pour savoir s'il ne faut pas bouger de quatre à six jours lorsqu'il y a à examiner des mouvements financiers internationaux suspects.
QUESTION : Il faut le temps pour cela d'analyser ?
Nicolas SARKOZY : Je déjeunais il y a quatre jours avec les sept magistrats du pôle antiterroriste.
QUESTION : Dont Jean-Louis BRUGUIERE qui sera là.
Nicolas SARKOZY : Dont Jean-Louis BRUGUIERE et les autres.
QUESTION : Bien sûr.
Nicolas SARKOZY : Pour savoir ce qu'ils pensaient du projet qu'on avait rédigé et ils me disaient que, parfois, les quatre jours de garde à vue étaient un peu courts lorsqu'ils attendaient des retours financiers internationaux pour confondre un présumé coupable.
QUESTION : Je reviens à ma question de tout à l'heure. Qu'est-ce que vous voulez donner comme message à la communauté musulmane qui peut se sentir stigmatisée, franchement, avec cette loi ?
Nicolas SARKOZY : Franchement, je pense être le dernier à pouvoir être accusé de cela. Je me suis battu pour créer le CFCM et les CRCM ; je me suis battu pour que l'islam de France soit reconnu comme la deuxième religion par le nombre de ses pratiquants. Je veux un islam de France, je ne veux pas un islam en France. Je veux des imams qui sachent parler français, je veux des lieux de culte qui ne soient pas des lieux de culte clandestins. Il n'y aura donc aucun amalgame, aucun, d'aucune sorte, mais que ceux - imams ou autres - qui tiendront des propos contraires aux valeurs de la République le sachent : ils seront mis dehors sans attente. Par ailleurs, nous allons renforcer une procédure qui est, hélas, trop peu utilisée de retrait de la nationalité. Quand quelqu'un a acquis la nationalité française et qu'il se permet d'être un terroriste ou un complice de terroriste, je demande qu'on lui retire la nationalité et qu'on le mette dehors. J'estime que des gens qui ont été naturalisés français et qui ont trempé dans des attentats terroristes, nous n'avons pas à les garder Français.
QUESTION : Ils ont à être déchus de leur nationalité française ?
Nicolas SARKOZY : Ils ont à être déchus de leur nationalité française et à être expulsés. J'ajoute un point de ce point de vue là. Dans le cadre du G5, c'est-à-dire les cinq plus grands pays européens, nous avons décidé quelque chose qui est très important, parce que vous comprenez bien que cela ne sert à rien de mettre dehors un individu d'Angleterre pour qu'il se retrouve en France, ou de le mettre dehors de France pour qu'il se retrouve en Espagne.
QUESTION : On l'a bien vu d'ailleurs, le terroriste qui en juillet est passé en France pour aller en Italie.
Nicolas SARKOZY : Exactement. Nous avons donc décidé que nous allons mutualiser nos procédures et quand l'un d'entre nous mettra dehors quelqu'un, cette interdiction vaudra pour les autres pays.
QUESTION : Vous parliez justement d'une lutte au niveau mondial. Il y a dix jours à l'ONU, George BUSH a déclaré que le terrorisme se nourrissait de la colère, du désespoir. Dominique DE VILLEPIN lui a répondu que la force ne viendrait jamais seule à bout du terrorisme, qu'il fallait aussi traiter les racines du mal, la misère et les inégalités. Est-ce que vous êtes d'accord pour dire justement qu'effectivement la force ne suffit pas ?
Nicolas SARKOZY : Bien sûr que la force ne suffit pas, mais Ministre de l'Intérieur, moi, mon rôle est d'assurer la sécurité des Français et, pour cela, je ne dois pas plaisanter. Je ne dois pas traiter les choses à la légère. Vous m'avez posé une question tout à l'heure : « est-ce que la menace existe en France ? » Elle existe à un niveau très élevé. C'est en fonction de cette conviction qu'ont nos services que la menace existe à un niveau élevé que nous devons en permanence adapter notre législation et nos méthodes. Je vous ai dit que nous avons considérablement renforcé les moyens de nos services de renseignements, nous avons considérablement investi pour avoir des sources humaines, pour avoir des renseignements, parce que pour nous, on sera jugé sur quoi ? Sur le fait qu'il n'y ait pas de drame.
QUESTION : Une petite question - je sais que cela peut sembler délicat pour vous de dire cela - vous dites : « La menace est élevée ». Sur un curseur de 1 à 5, elle serait où cette menace ? À 4 ?
Nicolas SARKOZY : Plus à 4 qu'à 3.
QUESTION : Plus à 4 qu'à 3. Et on a parlé ces derniers jours du fameux plan Écarlate qui serait préparé par la Préfecture de Police de Paris.
Nicolas SARKOZY : C'est un autre problème. Ce sont des plans que l'on met en place et sur lesquels on s'entraîne s'il y avait une catastrophe pour la suite de la catastrophe. Ce dont nous parlons maintenant, c'est pour avant le drame et c'est cela qui est en cause. À la minute où je parle, des arrestations ont eu lieu ; ce sont des arrestations préventives, mais ceux qu'on a été chercher savent pourquoi on a été les chercher.
QUESTION : C'est-à-dire ?
Nicolas SARKOZY : Cela veut dire que ce sont des individus à qui nous avons des questions très précises à poser. Cela montre à la fois l'efficience de nos services de renseignements et qu'il y a des cellules sur notre territoire.
ÉLISE LUCET
Merci, en tous cas, de nous avoir révélé en avant-première la teneur de votre projet de loi antiterroriste.
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